PETITE HISTOIRE A DORMIR DEBOUT EN DANSANT DANS SES REVES.


                                                                  Rapports d'idées aux rythmes cadencés, j'ai vécu mille vies dans mes pensées et de toute éternité je suis allé aussi loin que l'on puisse espérer.
 Oui je suis entré dans nombre de merveilles et des jardins suspendus de la belle babylonienne aux montagnes de signes dans la vallée du Nil, j'ai arpenté sans fin la surface de cette terre. Aucune contrée ne m'est interdite, je suis le vent de sable s'infiltrant dans tous les coins de tout le monde. Aussi, je me suis perdu en des grottes sans noms où errent les démons d'un diabolique Pygmalion ; mais j'y ai aussi vu, de mes yeux vus, des antiques déesses aux lèvres pulpeuses de pin up, dansant en tournoyant leur ventre, mettre en orbite leur nombril. Ah ! Les invitations d'alors, la magie de leurs doigts fébriles sur leurs boutons d'or, la joie dans leur voix,  le doux murmure du frou-frou de leur chevelure sur leurs épaules, tout cela sentait si bon le rêve que la mort aurait pu venir, je me serai assoupi dans ses bras ne me doutant de rien, comme pris dans l'ivresse d'un instant de musique, dans la voltige aérienne d'un grand classique, pris de fièvre rythmique à la lie d'un sourire angélique
 Mais l'imagination, mère de tous les vices et de toutes les angoisses ne l'entendait point ainsi et une fois qu'elle m'eut cloué au pilori de l'orgueil, elle m'enfonça pour punition le tuyau d'un narguilé dans la bouche et me lança : « Têtes mes rêves d'Opium, évapores toi dans l'Ether, je reviendrais peut-être ...»
 Peu après le vent sentait encore son odeur, mais l'inspiration s'était envolée me laissant seul avec moi-même.

Que faire ?
L'âme vide choisit de brûler vivement .

 Ivre de feu dans ce tourbillon de vie, pris dans la spirale infernale, je m'accrochai à cette centrifugeuse du delirium exponentiel. En fait, je me laissais aller à la chute.
 Happé par ces ions négatifs d'électrons n'en finissant pas de tourner, je relisais le Nécromonicon en planant dessus les pharaons, je suivais la lente et longue procession des pleureuses au bord des fleuves. J'étais le sang sacré jaillissant telle l'orchidée vermeille dans la seringue, m'épanouissant dans ce liquide amniotique telle une rose du soleil levant, avant de me propulser dans les rivières pourpres chargées de poison, poussant ainsi la mer halée au cour de mes veines. De la banquise au désert, voyageur solitaire  à la recherche de l'éternel retour du même, traversant l'équateur le froid au fond du cour, j'errais par le monde amer un cric en cristal pour colonne vertébrale.

Mais maintenant je renonce !

 J'ai trop mal en ma bulle en verre, mon seul souhait est que mon corps sans organe reposant dans l'Hadès remonte de  ses enfers sans se retourner et renaisse de ses cendres.
 Ah Orphée ! Il te faut retraverser le fleuve des morts sur ta barque de paria, il te faut retrouver les rochers où jadis tu sommeillais si paisiblement.

 Mais le sens des mots se brisent encore et encore, et les phrases se disloquent et les mots flottent dans les abysses comme les pièces d'un puzzle éclaté. La réalité se noie, le prisme du langage, arc-en-ciel aux iridescentes et chatoyantes tonalités est un leurre flanqué d'un hameçon à poissons ; notre monde est un songe, où chacun comme un insecte scotché à une croix en brindilles d'herbes, se croit porté au pinacle de la quintessence, balayé qu'il est par des puissances cosmiques, traversé par des peuples entiers d'idées pensées dont il croit seul secréter la substantifique moelle.

 Mais que ne nie la vie, il n'en est rien et que la tromperie est aisée quand nous enfermons le baromètre de nos rêves dans cette petite boite noire dûment cacheté du sceau de la science  que nous nommons conscience, sacro-sainte logique de l'humanité, tout le monde a des droits mais seuls certains le savent, le p'tit progrès qui monte qui monte et qu'explose en ligne à la gueule de dieu qui n'est pas content du tout, mais il est déjà mort alors il s'en fout.

Ah, ah, ah !!!

 Osons ouvrir la boite de Pandore ! Laissons s'échapper ces rhizomes dingues s'entrecroisant comme des torons de chanvre en serpents bleus qui fuient au travers de jungles folles et luxuriantes. Regardons danser la bête à bon dieu dans la fumée fantastique d'un nuage de pluie acide au-dessus du désert de Zambie.

 Laisses aller, tu vas pas mourir, tu vas bien, tu vas bien.

 Il pleut des trips et je vole à présent entre ces énergies ancestrales qui régissent le monde depuis la nuit des temps - des forces de vie, des fluides actifs me trouent le corps par tous mes pores, me sourdent dans l'esprit, faisant virevolter synapses et neurones comme des gibets de potence au bal des pendus - des arrières-mondes rugissent à l'intérieur de formes dont je sens se décomposer le fond comme autant de trappes ouvertes sur un néant hurleur. Le point d'équilibre est rompu dans ce trou d'univers débrayé à l'harmonie défroquée, et je fonce et m'enfonce, plonge et ris,  halluciné avec ce qu'il reste de moi aux côtés de mille scories qui crient comme des scies.

 Alchimie subtile s'il en est une, distillatrice d'une eau-de-vie plus noire que les nuits, le Grand Ouvre reconnaît ses fils, poètes du Verbe, chevauchés de rythmes vaudous et de correspondances mystérieuses à la synesthésie troublante.

A - Noir, E - Blanc, I - Rouge, O - Bleu, U - Vert.

 Autour du totem, les possédés dansent en transe, et les tambours, tam-tams & jumbés battent à l'unisson de leur chour et du cour des Iwas. Plus loin, à l'orée d'un cimetière, devant la croix noire régnante à l'entrée, un homme peint en noir, en chapeau et redingote noirs est en train de danser. Les yeux révulsés jusqu'au blanc, il psalmodie une incantation au Baron Samdi. Enfin là-bas, dans un miroir lacé de fines cordelettes brunies par le feu, à côté d'un capharnaüm de poupées momifiées et de cierges noirs, aux confins d'une cave sombre et inquiétante où ont déjà été sacrifiés harengs salés, chèvres et poules noires au chef des Gédé, seul le sorcier-oungan a entendu ce cri qui plonge au fin fond de sa glace.

 Tel un éphèbe, frais sorti d'un moule de marbre, je descends de mes nuages ravagés du tonnerre des dieux. Acide lysergique ou L.S.D. 25, datura, peyotl et mescaline venez mes chéries que je vous embrasse. Fou .Héroïne, ma divine comédie, j'embrasse tes cils  de coton le long de ma longue expiration. Ouf .

 Entouré d'un linceul fuligineux, je me terre, cryptique tremblant en proie aux longs ennuis de la descente évanescente, las comme un fruit blet, je me regarde dans le miroir, les yeux en retrait de leur globe, écoutant la kyrielle lancinante des informations : les morts sur la route, la dernière guerre,  les catastrophes naturelles, les résultats du foot ici , la famine là-bas et puis le keno, le loto et la météo, ramdam sauvage ne me touchant guère plus qu'un pet de mouche. Inch Allah .

 Mon sexe rabougri sur son tabernacle de noyaux de pêches me regarde de son oil cyclopéen, ayant pitié je me masturbe machinalement, lentement et consciencieusement, espérant faire sortir la purée atomique de cette queue simiesque, mais rien ne se produit, j'arrête alors, l'ambroisie génitrice ne sortira pas cette fois encore de. mais ma pensée est  soudainement détournée.

C'est le rebond soudain.

 Catapulté dans un flash-back malsain, je subis ce brusque changement d'altitude comme une fissure, je me fêle et me déchire encore, rha ! Rush ! Peur, au-dessus de moi un rocher se déséquilibre, il tombe vers moi, vite, courir à toute allure, poursuivi par une bande de pierres hurlantes dans un jardin antique, le météore me poursuit depuis ma naissance, ne pas s'arrêter, ne pas souffler, seule compte la fuite devant ce mégalithique de granit. J'entre dans une caverne aux parois phosphorescentes. De ci, de là, des marécages aux émanations pestilentielles, des miasmes, des étrons tendus et allongés à plat ventre, aux pieds de statues immenses et phalliques, je pousse mon chariot d'émeraudes, l'oil est sur moi, la pierre toujours derrière mon cul, elle me tape la garce et je dévale inéluctablement de plus en plus vite, je tombe  d'arches géantes en marches de lilliputiens, je dégringole vers le centre de la terre, le rayon vert traçant un fil par dessus mon crâne, la chaleur devenant insupportable, mes chairs ignées, je brûle. Le calme soudain me frappe enfin, la fin du voyage passe telle une brise légère bruissant dans mes cheveux. M'évaporant alors, je dissémine mes cendres par delà les montagnes et les océans. Je meurs.Mon âme s'envole.Le règne du minéral reprend ses droits sur moi, l'inorganique plane sur toute la terre, adieu et advienne que pourra.

Hosanna & Ainsi soit-il.

Mais même la mort a une fin et la folie aussi connaît un terme.
 Ce n'était qu'un cauchemar, je respire lentement, allez du calme petit c'est fini.

Mais où suis-je ?

Certainement pas dans un lit et puis il y a cette intuition, cette impression d'inconnu, l'endroit est si noir qu'on dirait que l'ombre s'y est comme matérialisée, claustrophobe comme je suis ça n'arrange rien, d'ailleurs je peux à peine bouger, c'est comme si mes membres étaient endoloris et paralysés à la fois, bloqués entre des étaux de fonte, tout est si étroit et si dur, on dirait presque un sarcophage, mais oui c'est ça, horreur ! Je suis dans un cercueil ! On m'a enfermé vivant dans ma tombe ! NON !  Je veux sortir ! Laissez-moi sortir ! J'étouffe ! Sortez-moi de là ! PITIE ! ARRETEZ ! TORTURER !

J'éclate en sanglots.

 Qui m'entendra ? Qui me verra ? Qui me trouvera ? Est-ce qu'il y a encore des hommes là où je suis ? Ils ne me découvriront jamais, les premiers seront les rongeurs et les insectes qui se nourriront de ma cervelle et tisseront des toiles dans mon crâne, à moins que je ne meurs pas et que je souffre le martyr dans mon antre dernier jusqu'à la fin des temps. Je ne serais donc jamais paisible et tranquille faisant l'amour aux sirènes par cent brasses de fonds. Je ne saurai donc jamais le destin réservé aux gens de mon ordre. Mais d'ailleurs est-ce si important que la mort aie un visage ? Le deuil étant réservé aux vivants, à ceux qui restent pour ne pas oublier qu'eux aussi franchirons le pas un jour et que celui-ci n'a d'ailleurs jamais été aussi près.  Alors à quoi bon être sérieux, seule la découverte de l'instant naissant à chaque moment vaut la peine d'en rire autant, si le serpent se mord la queue à l'infini dans son vivarium, il n'avancera jamais, ainsi l'homme de ce jour.

 Yann Babyl.


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