Tropique du Cancer (1934)

"Ceci n'est pas un livre... C'est une insulte sans fin, un crachat à la face de l'art, un coup de pied aux fesses de Dieu, à la Destinée, l'Amour, la Beauté..." En quelques phrases, Henry Miller a tout dit. Écrit à Paris, Tropique du Cancer défie toutes les lois sages de la littérature. L'œuvre, autobiographique, se veut autant un exercice de libération que d'affirmation de soi de l'écrivain, qui s'y livre tout entier, au fil de ses années vécues en France, où il est arrivé en 1929. À travers impressions et souvenirs, c'est l'existence parisienne de Miller qui jaillit des rues, des hôtels, des cafés de Montparnasse ou de Clichy, des brèves rencontres, des amours furtives, des discussions, des beuveries avec des écrivains et des artistes: un souffle de vraie vie passe, frémissante, conjuguée sur le mode de l'expérience la plus intime, et ponctuée de moments de misère et de faim, de découragement et de solitude. Célébré par Cendrars, Tropique du Cancer fut publié en France grâce aux efforts d'Anaïs Nin, qui en signa la préface. Il fut d'abord interdit aux États-Unis, où, outre sa facture déroutante, on lui reprocha de miner les fondements mêmes de l'édifice social, de pervertir la jeunesse par son obscénité, son apologie des maisons closes et du sexe, et le recours abondant aux mots les plus crus. Il ne fut publié outre-Atlantique qu'en 1961. Vendu à plus d'un million d'exemplaires, le livre suscita aussitôt une soixantaine de procès pour pornographie. Suivi de Tropique du Capricorne, en 1938, il marqua profondément toute une génération d'écrivains - celle des Kerouac, des Ginsberg, des Mailer.