Les folies du hasard

par Yannick Deplaedt

5/01/2000 :

Il fait déjà noir. C'est bientôt l'an 2000 depuis une semaine mais la dope m'empêche d'y voir clair. A-t-on fait la fête ? Je sais plus. Les miroitements de mon esprit s'évadent en cascades de murmures, de sons cambriolés, de désirs explosifs et de songes lancinants. Je rêve d'un lendemain. Pure conception visuelle, la drogue s'insinue en moi, torrent glacial qui me gonfle les veines de folie et d'amertume heureuse. Rythmes tribaux qui jonchent mon crâne, le font bouger tout seul, manipulation de l'extase chimique, ouh.Bienvenue dans l'antre de ma folie. Chats déformés en volutes fumeuses qui rongent mon sang évaporé, je délire visuellement et rage de ne pouvoir courir, une course infinie et indéfinie, débat sans fondements, sans sujets, sans participants, je suis les Participants, je flotte comme un corps astral envahit d'asthme violent, déflagration de ma perpétuelle petite santé, ouh, miracle à l'horizon de mes violences, de mes soupirs absinthés, délire du langage qui se forme et se transforme à mon gré, évanescence et quintessence de mon Moi, cet absolu, ce mirobolant mirage de l'humanité, je suis l'un et le tout, l'unique et l'universel, l'individuel et la masse, je suis la métaphore de la pierre, une philosophie branlante d'un peureux en pleine guerre, d'un Hesse aux jambes flageolantes et aux espoirs vains et exilés, ouh, démagogie de mon cerveau qui aime tous et tout, politique fébrile de mon corps qui baise tous et tout, ouh, testament de ma seringue qui a tout lâché, pétasse, Harpagon mal battu par le plaisir, circonvolutions capillaires et boucles réduites à courte paille, je chavire jusqu'au mont Ararat et vois Noé, endormi sous un baobab, le petit prince est avec lui et le loup aussi, ils me regardent avec des yeux injectés de sang, petit prince, combien de fois faudra-t-il que je te répète que mon Moi est supérieur au tien, qu'il n'est qu'un souillon à l'intérieur de mon tout, une miette de merde au milieu de ma cuvette, une branche se transforme en Jim Carroll, voilà Andy Warhol, et Jimmy, et Jim Morrison, et une projection transparente de moi, mon image en plus claire, en plus belle, en plus défoncée, ouh, vapeurs insidieuses de l'imagination qui me prennent au nez comme les âcres odeurs, les piquantes douceurs olfactives, mes bras me grattent, les poils poussent sans cesse, j'en ai assez de me raser. Modigliani. comment vas-tu vieille branche vicelarde. Et les nudos, portraits, matérialisations fixées de ses désirs charnels, de ses formes superbes, Nabokov, mon doux dingue, mon terrible nymphettetiste, lolitiste à souhait, plein de pulsions chatouilleuses d'enfants. Burroughs, qu'est-ce que tu fous là, sur le mont Ararat ? Tu rêves, je veux pas qu'on joue à Guillaume Tell, tu sais ce que ça donne à chaque fois, j'ai encore besoin de ma tronche. Ah, basse réalité. Musique transcendante, espoir vaincu, mon froc trempé, mon dos liquéfié, ma tête bouillie.Marre de cette merde ! Fini les " ouh ", fini les hallucinations merveilleuses et pourtant si douloureuses, fi de tout cela. Faut que je ferme. L'échoppe de la folie sera ouverte dès demain soir, la récolte faite et les veines satisfaites et bourrées d'inspiration. Ciao !

06/01/2000 :

Je suis le pacha d'un royaume haut en couleurs, au milieu des méandres des conflits de pouvoir, la rivière paisible qui coule au milieu des Enfers, un simple oasis en plein désert, une ombre au soleil, images infiniment éculées, topos bourrage de crâne et débilitant, métaphores et figures sans style, le stYle, l'avez-vous danseurs impénitents, jambes flageolantes, membres énervés et cerveau décervelé, pieuvre aux idées tentacules, je dérive englouti périodiquement par les embruns et avale algues et saloperies non végétales, poissons dorés et ferrés à mes chevilles, attrape-con merveilleusement efficace, mission de sauvegarde des éléphants en pleine mer, langage joué et jouette, fétule ridicule, mensonge, songe ? ou réalité, pitié ?, rêve, la trêve, brève, la sève, assez ! OK ! Putain, catin ! ! ! Dope, pénètre en moi, petit démon nerveux et hallucinogène, douceur des riches et malheur des pauvres, bijou criminel et prison compensatoire, crime social et prison de verre, de larmes, de dettes, prison sans or, hors, il est sûr et certain que l'amertume nous ronge tous, blase, blase, blase, blase, oh dope, blase, blase, U got my heart, U got my mind, i got faith in U more than in God, oh God ! God, miche et moi, comprenez-moi bien, inutile de jouer les bi, hein ! Compra-lo ! Que ? Compra-lo ! No quiere lo comprar, entiende ? Chinga tu madre ! Coño ! Je ne comprends rien. Babel, oh Babel, rompt avec le ciel et redescend sur terre, cette pute a besoin de toi ! Verstandest-du ? Was ? Ich gehe nach schule. Rien à foutre ! Escucha me ! Non ! Si ! Non. La musique me prend aux tripes, de camps en camps, je poursuis mon chemin, ne trouve que les âcres ferments de quelques bouteilles de vin pourri, je ne connais rien au vin, mais la dope, ah ça, ça c'est mon domaine, qu'on se le dise aux coins des routes, aux nombrils des pays, aux capitales listées, aux communes hyst-ériques, misunterdansting de nos vérités, walking on world like a giant, never caught, i'm the king, with a big K, like King et sans mon Kong, je ne suis plus rien, malheur aux prophètes du ciné qui nous mystifient, la roseur et la rosée nous ont bien menti, sans compter l'aurel et le hardi, mirages de l'enfance.    

08/01/2000 :

Pensées mystiques qui me flagellent l'esprit, en un torrent d'images divinisées, de figures panthéoniques, de monstres chrétiens, avalement de Léviathan au milieu du peuple qui s'administre de la cervoise en seringue, misogyne pensée de l'homme viril et petites burnes cramoisies au fond d'une borne de tissus slipesque. Je me meurs de croire qu'en ces tréfonds fétides survivent les êtres candides de la non-dopicence, mutisme de leurs bouches mutilées, herbes accrocheuses qui nous rongent les rebords jeanesque. Que de néologismes en vue d'un néo-monde qui me sera propre et particulier, simple et complexe, que je serai le seul à maîtriser comme l'artiste le fait du diabolo.
Ah Satan ! Mot infâme que tes fidèles prononcent silencieusement, mot torride que les chrétiens refroidis taisent et osent à peine prononcer en leurs têtes réduites à l'imbécillité, catégorisation de leur erreur et de celle de la grammaire : " je proclame la chrétienté, demeure de l'imbécillité, et dans mon royaume, il sera dit, en ouvrages de linguistiques expertes, sémantique référentielle, que cette classe d'êtres insipides et grenouillardes, sera celle de l'imbécillité. " Je n'aurai de cesse de poursuivre de ma lame scintillante de cran d'arrêt les cafards fuyant vers les fissures des murs de mon royaume. Halte à la prison de verre, ou dorée, ou metaphorisée, bienvenue à la réalité.

22/01/2000 :

Les grilles se ferment de plus en plus, une spirale étouffante. La souffrance me tend les veines et ronge mon cerveau. Bouillie d'idées, de préjugés, de conceptions, il génère des hallucinations psychédéliques et me balance en plein marasme. Va, je ne te hais point, Léthargie. Je scrute les environs de béton de ma cité et n'y vois que des traces, des empreintes juste visibles des générations précédentes, des lueurs réapparues de camés évanouis, de minuscules tertres aux quatre coins de l'espace, sans croix, sans noms, sans rien, juste un souvenir imprécis, enseveli sous deux mètres de terre. Cadavre qui enferme une âme criminelle. La mienne sera emprisonnée aussi, le moment venu. L'overdose, gratte-ciel, Empire State Building de la seringue, la dose de trop. Une simple dose de trop. Je prépare tout, devant les crabes de la cité, devant mes frères de délire et de toxicité, je m'injecte le poison délicieux. Aucune amertume, aucun déplaisir, une seule et unique hallucination, celle de l'existence sans but, la mienne. La véritable vie ne tient pas à plus d'un fil, le mien n'est pas entré dans le chas. Il ne sert donc à rien. Allez-y Parques indécentes, putes de luxe !

" Il ne faut pas mettre du vinaigre dans ses écrits, il faut  y mettre du sel. " Montesquieu


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thaly26

passer seulement 1 minutes en vrai avec un homme qui a autant a dire...serais pour moi toute ma vie!!!!


William Rose

Je crois que tout tient dans ta phrase "délire du langage qui se forme et se transforme à mon gré". Par contre moi je n'ai jamais eu d'halu en prenant de la dope...mais parle t'on de la même?


Olivier Valette

Une nouvelle tout simplement culte, qui atteint les sommets de la littérature contestataire.
C'est Tropique du Cancer en plus trash, Naked Lunch en plus obscur, Les contes de la folie ordinaire en plus travaillé.

Bref, à lire absolument en attendant impatiemment la suite.