Des airs

par Vincent Lamy (lire aussi Cauchemar des délices de la drogue et Le Flingue de ma raison)

2001
Dans le vaste étendu de désert se perdait jusqu'à l'horizon des bosses, des rondeurs arides. Le désert n'était pas une surface plane, mais une zone aussi diversifié qu'une région abondante, d'une richesse généreuse, un sol ondulant comme une danse sensuelle. Certes, il n'y avait pas la verdure d'une forêt ou d'une jungle. Mais ce désert était un fourré de vide et de silence.
La canicule écrasait le paysage, à le rendre flou… mirage, ce qui ne l'était pas. Le soleil accablait, dorait, de ses flammes diaboliques, les grains de sables, les mètres carrés de cailloux : Un four d'une température colossale !
Et dans le ciel : Du bleu immaculé ! Puis souillé par une tache mouvante, un géant des altitudes sauvage, qui n'était rien d'autre, ni plus ni moins, qu'un vautour. Il planait seul, pas avec des congénères, non : solitaire, la mort dans l'âme ; la faim pendante à la pointe du bec ! A l'image de ses contrées rouge et topaze, il aurait pu être l'unique cœur battant.
De toute sa masse gracile, il se posa sur le sommet d'un haut rocher. Il guettait la future carcasse à se mettre dans l'estomac, sa charogne. Sa tête bougeait avec vivacité, nerveusement, tel un détecteur. Elle ne restait jamais en place, changeant de position toutes les trois secondes. Le soleil reflétait dans son œil maussade et visqueux. Il détecta un être frêle au bord de la chute, un homme aux limites de ses capacités. Il était sur les rotules, le dos courbé, les genoux râpaient contre le sol.
Il tirait une langue à gorge déployée, n'en pouvant plus. Il n'y avait plus une goutte de salive dans sa bouche. Un lourd sac à dos, usé et vieilli, trônait et tirait de tout son poids sur ses épaules. Il alourdissait, rendant pesante, sa démarche.

Il marchait d'un air machinal, dont la mécanique s'épuisait et allait ne plus donner signe de vie, le repos éternel. Et il eut le sang bouillant, évanescent à travers son épiderme. Il se vidait de ce liquide si précieux, cette essence, le carburant du moteur de la vie, celui qui bat dans chaque entrailles de chaque humain.
N'en pouvant plus, ce qui fut une évidence arriva, il s'écroula au sol. Pas directement ! Ses jambes ne le soutenaient plus. Elles vacillèrent et le firent s'affaisser, s'agenouiller contre son grès. Il voulait continuer. Mais son corps était près à s'effondrer. A la force de ses bras, il tentait de maintenir un minimum de dignités, il voulait se relever et marcher, reprendre le fil de son destin.
Le corps ne répondait plus au mental. Il se persuadait sincèrement qu'il en était capable. Cet détermination était louable, mais réellement, au fond de lui, il n'y croyait pas. Il finit par céder et s'étala de tout son long sur le sol cuisant. Le sable et la poussière envahirent et se collèrent à son visage suintant. Ses paupières se refermèrent irrésistiblement.
Une ombre imposante le recouvrit, elle l'enveloppa. Ce fut pour lui presque irréelle. Il leva la tête vers cette forme volumineuse qui le recouvrait. Il crut trop rapidement à un sauveur. Pour lui, c'était comme-ci le soleil avait disparu. Il ne voyait qu'une tache opaque noire. Dans un effort herculéen, il tendit une main vers cette déité presque mystique. Il mit sa rage dans cette main, souhaitant qu'elle arrache, qu'elle s'agrippe à cette silhouette, et
qu'elle l'amène à lui, qu'il la garde ; qu'elle perpétue ce sentiment si maternel et si bienfaitrice !
Crescendo, la lumière, vive et aveuglante, lancinante et inexorable, l'assaillit de plus belle. Cette ombre n'était plus là. L'homme relâcha toute la tension qui avait dans cette main dirigée vers le ciel. Le couperet, le tranchant de la main, fendit à nouveau le sol à en faire souffrir l'homme. La douleur n'était plus une émotion mais son état général, là, le corps répandu sur le grill.
Il sentit une présence non loin de lui. L'ange, ce qu'il pensait être, c'était lui ! Il se tenait debout, dans un recueillement, dans une prière de bonté charitable, qui n'attendait qui ne comptait que sur une aide divine. Il voulut le voir, son sauveur. Il ne voyait pas l'âme du diable. Il se redressa à moitié, appuyé sur un coude. L'ange était devant lui, noyé dans un flot de vague vaporeuse. Ce n'était que ce foutu vautour !
L'homme le maudit avec une haine féroce. Il lui lança un regard cruel. Il réussit à dire avec une voix hésitante et asséchée :
- Tu te prends pour qui, saleté de bestiole ?
Il lui cracha des injures tonitruantes. Le vautour resta imperturbable, ce n'était qu'une bête, elle ne comprenait donc rien de ce qu'il pouvait bien dire. Le volatile charognard ne voyait qu'un futur festin incarné par cet homme. Il continua de délirer :
- Je ne connais pas la bible. A mon avis c'est interdit de se faire passer pour un ange. Même, c'est de l'usurpation d'identité. C'est la pire des choses. Oh oui ! Ca mérite une peine incommensurable. Qu'est ce que t'as à dire pour ta défense ?
Le vautour d'un bon s'approcha de lui, toujours en appétit. Le pauvre homme déraillait, la fièvre, la chaleur lui faisaient perdre la raison. Il se mit à fouiller dans son sac. Il envoyait valdinguer ce qui ne l'intéressait pas, sachant ce qu'il cherchait. Il tomba sur une gourde métallique. Il la regarda avec véhémence, l'idolâtrant. Il la secoua : Ca ne donna rien d'intéressant.
Il ouvrit et pencha le goulot sur ses lèvres. Une toute petite goutte d'eau perla le long du pichet et se brisa sur sa bouche. D'un geste de rage et désespoir il balança la gourde sur le charognard. Elle tomba à côté. L'oiseau regarda cet objet comme une curiosité un court instant.
Il plongea sa main au fond du sac. Il l'avait enfin saisit, il l'avait au creux de sa main. Il l'extirpa, c'était un revolver à barillet. Il était comme neuf. A croire qu'il n'avait jamais servi. Ou à moins que l'homme cajole ce joujou avec ferveur et dévotion, vu la façon dont il le dévora des yeux.
De l'autre main, il s'aida à prendre une certaine assise, pointant fébrilement le canon sur le vautour. Ayant pris une stabilité à tout épreuve, il lui fallut sa deuxième main pour maintenir fermement la crosse.
Il avait cette sale masse à plume dans sa ligne de mire. Le soleil tapa durement, il était difficile de se concentrer. Il pressa la détente, la gâchette s'enclencha, la détonation résonna, le flingue expectora un éclair.
Il la rata en beauté. Le vautour, calmement s'en vola à une faible hauteur pour se reposer derrière lui.
Le pauvre fou était désarçonné. Il reperdit cette stabilité si sur pourtant, et se retrouva une nouvelle fois étaler sur le dos, le ventre face à ce soleil assassin. L'animal le narguait. Tenant toujours le flingue dans les deux mains, il le dirigea vers lui et  tourna sur lui-même, ventre à terre.
Consciencieusement, il visa ce rapace de malheur. Au moment choisi, il tira une seconde balle, et ce fut la bonne. Elle fracassa son crâne, le sang gicla et l'oiseau devint inerte et sans vie. L'homme eut un rire nerveux et victorieux.
Les convulsions, la contraction de ses zygomatiques, ce fou rire interminable et incontrôlable, lui faisait horriblement mal. La joie s'exprimait en douleur. Ses tripes le tiraillaient, ses abdominaux se rétractaient à l'extrême. L'hilarité suite à la mort de ce piou-piou carnassier n'était qu'un leurre, prétexte à cacher une situation effrayante. Il était au bord de l'agonie. Il y avait de forte chance qu'il meurt achevé à coups de lame solaire. Et ce corps qui ne répondait plus. Le pire était qu'il se voyait devenir un légume végétatif. Et ce rire qui cachait une amertume. Pleurer ?
Il ne le pouvait même pas, seulement rire. Il allait mourir, exécuté par ce que seul la nature humaine sait faire, et possède : Le sarcasme et l'humour.
Il ne parvenait pas, ne voulant pas s'y résoudre. Il ne croyait plus à la possibilité, l'ultime chance, qu'un bedeau errant vienne à son secours. Il se marrait : Désopilante façon de mourir ! Le gloussement voguait et surfait sur les dunes, percutait et se cognait contre les rochers. Avant qu'il ne règne enfin le silence, il y eut une détonation sourde. Dans un moment de lucidité, l'homme y était parvenu. Il mit un terme à son agonie en se tirant une balle dans la bouche. Il était là, proche du cadavre du charognard, devenu lui-même un macchabée, tenant le canon enfoncé dans sa bouche, les débris de cervelle éparpillés comme une auréole autour de lui.


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Sos89

Je pense qu'il vaudrait mieux s'abstenir de lire de tels textes ! Nous sommes mis en présence, ici, du degré 0 de l'écriture. Auteur visiblement schizophrène qu'il serait urgent de soigner !


nanou pat

j'aime bien te lire on se sent bien et surtout j'ai aimer Antoine continue comme ça Vincent tes textes nous font réver merci


tassia

Je viens de faire un court voyage dans le desert...J'y ai ressenti la chaleur, la peur de l'homme et l'abandon. J'y ai vu la mort, la soif, l'espoir, le rire et le destin. Bravo à toi Vincent, c'est un beau texte, il me tarde d'en lire d'autres aussi riches de descriptions et de sensations. reprends ta plume, j'ai hâte de te lire à nouveau.