Les mails de Patrick Bateman


Le : 7/18/2000

La "thérapie Jean".

Vous me demandez si je veux la laisser partir, ou si je veux décider moi-même quand notre histoire s'arrêtera. Avant que je ne réponde à cette question, je dois vous raconter notre histoire commune, à Jean et à moi.

Jean a été présente à mes côtés lorsque j'étais au plus bas : j'étais vulnérable, et je DETESTE qu'on me voit dans une position vulnérable. Elle le sait, et ça lui confère un pouvoir sur moi qui fait que je n'ai pas d'autre choix que de la haïr.

A votre question : "Si j'ai transféré cette haine envers Jean, et que par conséquent je la déteste, puis-je diriger cette haine ailleurs afin d'être plus rationnel durant les négociations du divorce ?", je réponds "oui", j'ai toujours une place, ou deux, ou trois, pour canaliser plus efficacement l'énergie qui alimente ma haine.

Mais je ne peux pas dissocier Jean de cette haine, car elle essaie de me contrôler à travers PB et que je peux me résoudre à ça.

"Peut-être essayez-vous de projeter votre manière de réagir à cette situation sur sa personne", dites-vous. Non. Il faut savoir que Jean est beaucoup plus intelligente qu'elle n'y paraît. Je dois la traiter comme n'importe quel adversaire.

L'important n'est pas de savoir "si" je vais gagner, mais seulement "quand".

Virtuelllement vôtre,

Patrick Bateman.


Le : 7/4/2000

Au travail.


Les conditions climatiques ne m'ont jamais beaucoup affecté.
De temps à autre, on est obligé de modifier un plan de vol et un manteau peut s'avérer nécessaire pour certains déplacements, mais c'est uniquement pour sacrifier à la mode.

Les gens comme moi ne sont jamais trempés.
Je vais de l'ascenseur à la voiture, et vice-versa.

L'ascenseur m'est entièrement réservé.
L'illusion qui faille être sur place et disponible est une nécessité.

Je suis toujours présent grâce à la technologie. Avec le téléphone satellitaire, Satnav et les lignes ADSL qui, où que je me trouve, couvrent tout comme une toile, je ne suis jamais hors de portée, que ce soit par commande vocale ou numérique.

Je suis injoignable seulement quand je l'ai décidé.
Le mois prochain, je devrai me rendre disponible pour bien des gens que j'avais choisi d'ignorer définitivement.

Marcus Halberstam a opportunément choisi de quitter New York après quelques insinuations déplacées que Paul Allen a cru être adressées à lui. En bon ami, je lui ai offert une opportunité qui, la plupart du temps, le tient éloigné du pays. Luis Carruthers, a de son côté démontré son utilité en soutirant de précieuses informations à diverses personnalités du monde des media et du spectacle, ce qui le rend de fait beaucoup plus utile qu'il ne se l'imagine lui-même.

J'abhorre par dessus tout Davis Ferguson. On dirait presque qu'il devine que ma totale répulsion envers sa simple existence lui donne le dessus sur moi.
Il a presque raison.

Virtuellement vôtre,

Patrick Bateman.



Le : 6/22/2000
Rien ne vaut un chez soi.

" Dark Cove " fut construit par ma famille qui contrôlait la Standard Oil de l'Indiana, bien avant que " monopole " soit assimilé à un gros mot, ou à ce jeu auquel vous touchez 200 $ en faisant franchir la case-départ à une voiture, un chapeau ou un chien

C'est toujours une des plus grandes parcelles indivisés du littoral de la région de New York et ça le restera, ainsi que le trust que mon grand-père créa après l'acquisition de " Dark Cove " durant la 2ème Guerre Mondiale. Le front de mer est tellement grand que " l'Intrepide " pourrait accoster le long du quai sans boucher la vue du rivage à travers l'estuaire du Sound.

La maison, est une réplique de la Résidence d'été du Tsar à l'échelle 1,5 par Mott Schmidt, datant de 1929, et présentant une salle de bal de 40m x 60m dotée d'un plafond triple-hauteur frappé d'une Feuille d'Or et des douze signes du Zodiaque, lequel est tout de même nettement plus proche du sol de marbre blanc et noir que du véritable ciel.

Cette pièce a en son temps accueilli Cole Porter, George Gershwin et les Marx Brothers, pour un parterre d'invités allant du Duc et de la Duchesse de Windsor à ces infortunés Woodward, à quelques-uns de nos présidents les moins libéraux, et au non moins peu libéral Shah d'Iran lors de ses premiers jours d'exil.

C'est à " Dark Cove " que je m'échappe, lorsque je suis en quête de la paix et de la solitude que seuls peuvent me conférer la mer, le soleil, le ciel et une brigade de 21 gens de maison.

Lorsque le soleil se met à décliner lentement, je fais tranquillement de la corde à sauter, celle que PB et moi avions lorsque nous étions l'été dernier sur le rivage. PB... Celui que je ne reverrai plus s'amuser, à moins que je ne paye à sa mère ses 189 000 $ de pension alimentaire mensuelle ou bien qu'il arrive à sa majorité, quoiqu'il advienne en premier.


Virtuellement vôtre,

Patrick Bateman.



Le : 6/15/2000

Mon meilleur complice.

Mon fils, PB Jr, a été dès son plus jeune âge assez malin pour être en toute occasion irréprochable à mes yeux, tant du point de vue de son physique que de son caractère. On dirait qu'il a été sculpté dans de l'ivoire, ce qui est une sorte d'exploit lorsqu'on connaît la gueule de corniaud qui est l'attribut de son ascendance maternelle.

Dans son enfance, les seul bruits qu'il faisait était agréable et d'un air entendu. Sa capacité à choisir avec discernement s'est manifesté bien avant qu'il sache parler. Il préférait les catalogues édités sur des supports luxueux à ces bouquins sur des dinosaures mauves qui auraient du s'éteindre depuis longtemps par la grâce de l'Evolution. Et lorsqu'il tombait sur une histoire de souris, il trouvait qu'elle s'apparentait trop à son cousin biologique le rat pour que ça puisse le moins du monde l'intéresser.

La supériorité manifeste de cet enfant crève les yeux, et plus d'une fois le mannequin en couverture du dernier Vogue ou la vedette du dernier film pour ado devrait m'arrêter dans la rue et me demander où en trouver un pareil.

Virtuellement vôtre,

Patrick Bateman.

Le : 6/13/2000

Tenue de combat.

Dans " L'Art de la Guerre ", Sun Tzu déclare que l'intimidation est la seule impression initiale acceptable qu'on puisse donner à un adversaire.

Dans les guerres que je choisis, je pousse l'effet d'intimidation dans le but de donner l'impression qu'en résumé, " je tire le premier ".
Chaque cas nécessite une tenue particulière.

Mes costumes et mes tenues de soirée, fabriqués par des maîtres tels que Cerruti et Valentino, donnent une aura de tranquille supériorité.
Mes chaussures de chez Lobb et, dans certains cas, de chez Gucci, offrent une qualité et un confort supérieurs.
Je n'ai pas le temps de me laisser envahir par les aspects mondains de la fabrication sur mesure.

J'ai gardé le même poids et la même densité musculaire depuis presque 20 ans : des vendeurs familiarisés à mes goûts m'envoient tout ce que je désire, et ils tendent plutôt à anticiper les tendances qu'à les suivre.

J'avoue un certain penchant pour les montres et les pièces d'horlogerie complexes.
J'admire le fait que derrière la simplicité de leur beauté apparente, se cachent des machineries finement articulées, qui, en plus de donner l'heure, savent également toucher au sublime.

Lorsque je m'aventure au dehors passé certaines heures, je porte des verres qui déguisent mon regard - et rarement deux fois les mêmes.

Virtuellement vôtre,

Patrick Bateman.